AFP : « A Roubaix, pas de sursaut à attendre des abstentionnistes #mun59100 »

Dépéche AFP, publiée par Libération
A Roubaix, pas de sursaut à attendre des abstentionnistes #mun59100
«Une perte de temps», «on n’y croit plus»: à Roubaix (Nord), ville pauvre voisine de Lille, au moins six électeurs sur dix ne sont pas allés voter lors du premier tour des municipales et peu comptaient s’y rendre dimanche.
«Voter, ça sert à quoi? Même si on va voter, on n’aura jamais nos aides, pour un logement, pour un travail. C’est une perte de temps», affirme Youssef, 24 ans, qui a «essayé de voter une fois pour voir ce que ça faisait», lors de la présidentielle de 2012, désabusé depuis car «nous, Hollande, il nous a rien donné».
«On n’y croit plus depuis que le ministre du Budget (Jérôme Cahuzac, ndlr) a volé. Pourquoi aller voter alors que ce sont des voleurs au pouvoir. Ils font plein de promesses mais ils pensent qu’à s’en mettre plein les poches», renchérit l’un de ses amis, Halim, «intérimaire au chômage» de 24 ans.
En train de musarder sur une place des quartiers nord de Roubaix -où l’abstention a dépassé les 70% dans certains bureaux de vote, dix points au-dessus de la moyenne dans la ville (61,58%)- les deux jeunes hommes, très remontés, estiment être «les oubliés» d’un système, et leur non-vote une «forme de révolte».
Insensible aux panneaux qui fleurissent dans la mairie socialiste, sur lesquels une main tient une carte électorale, «arme de démocratie massive», Alexis, 21 ans, raconte avoir «jeté direct à la poubelle» la «lettre marron» contenant les programmes des dix listes -dont six de gauche- inscrites au premier tour.
«Quand on fait le tour des quartiers, les gens qui s’abstiennent nous disent le faire consciemment: +Les politiques ne font rien pour nous donc on ne fait rien pour eux+. Il y a tellement un dégoût, un sentiment d’être méprisés», explique Bruno Lestienne, animateur du comité de quartier de l’Hommelet, qui a lancé il y a douze ans l’opération «Je pense donc je vote» pour inciter les Roubaisiens à se rendre aux urnes.
Malgré ce dispositif, Roubaix continue de figurer à chaque scrutin local dans le peloton de tête des villes les plus abstentionnistes de l’Hexagone. En 2010 par exemple, lors du premier tour des régionales, 71,67% des habitants avaient boudé les isoloirs.
– «La vie de quartier a disparu» –
«C’est une abstention qui a essentiellement des origines sociales. C’est une des villes les plus pauvres de France, il y a 30% de chômage, un taux de pauvreté très élevé (45% de la population en-dessous du seuil de pauvreté), un très fort taux de RSA (revenu de solidarité active, ndlr). Quand le 15 du mois, on n’a déjà plus d’argent pour manger, s’occuper de la politique, c’est le cadet des soucis de la plupart des gens à Roubaix», analyse le politologue Rémi Lefebvre, qui ne croit pas «possible un sursaut spectaculaire au second tour», où quatre listes se maintiennent(Union de la gauche, Union de la droite, DVG et FN).
«Les grandes usines ont fermé et autour de ces usines, la vie de quartier a disparu. (…) L’abstention est un mal profond, qui trouve son origine dans des problèmes de fond, comme le chômage, et des problèmes locaux de propreté, de sécurité», souligne Bruno Lestienne, donnant comme exemples des rues des quartiers nord où les détritus jonchent les trottoirs et où les rues n’ont pas été refaites depuis dix ans parallèlement à la fermeture des commerces.
Le collectif a prévu de quadriller à nouveau les quartiers abstentionnistes et de coller des affiches aux feux de circulation. Il réfléchit à «passer dimanche à vélo avec un porte-voix pour dire aux habitants d’aller voter», poursuit M. Lestienne, conscient qu’il ne pourra pas «résoudre l’abstention en deux jours».
En centre-ville, le même sentiment de «ville sinistrée» et de «déclin irréversible» a gagné Pascal, 58 ans, qui ne s’est «même pas déplacé» pour le premier tour «car il n’y a aucun parti politique capable de faire quoi que ce soit pour Roubaix». Il ira cependant voter dimanche «pour prendre une position un peu plus précise».
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