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Roubaisiens, LYON vous attend ! (ou la bataille sans vergogne des agences d’attractivité sur notre sol)

Vous êtes sans doute passés à coté, en traversant la ville, d’une publicité en panneau Decaux, avec Tony PARKER regardant au loin, sobrement intitulée « 5vieS« , titrée en rouge et blanc avec un teasing QRcodé « plus qu’un challenge, Apres avoir tout gagné, il s’engage pour inspirer les futurs talents. Découvrez son histoire made in Lyon« . Le QRcode amène sur le site de OnlyLyon.

Si nous n’étions pas dans le contexte actuel, j’aurais sans doute intitulé l’article « la Guerre à notre porte », c’eut été fort déplacé, j’en conviens mais néanmoins, cet article évoque bien une bataille entre territoires, actuelle, comme qui dirait dans une société néolibérale, au beau milieu d’une économie mondialisée, où l’échelle importante est désormais celle des métropoles.

Cette campagne est basée sur des testimoniaux qui invitent à déménager pour s’installer dans le Grand Lyon. Elle est créée par une agence d’attractivité, ONLY LYON, mix entre offices de tourisme, chambres de commerce, sous forme d’associations privées, avec à la tête des élus de métropole.

Ces agences alliant le marketing, le développement économique et le tourisme, ont pour but principal de faire de la comm’ afin de faire venir les gens à fort potentiel financier, cadres sup, entrepreneurs, sociétés marchandes, etc.

Vous avez peut-être croisé quelques unes de ces affiches avenue des Nations-Unies ou ailleurs dans Roubaix.

A qui s’adresse cette campagne ?

Là où c’est cocasse, c’est que ça vient directement concurrencer sur notre sol (avenue des Nations-Unies) la stratégie d’attractivité / gentrification de notre ville qui rappelons-le, depuis les années 90, tient en trois principaux piliers, comme nous l’expliquent les travaux de Christiane LIEFOOGHE et du Collectif ROSA BONHEUR : les établissements culturels, les grandes écoles privées, et les lofts qui ont pour cible les non-roubaisiens — certaines esprits polémiques ajoutent à cela la démolition massive des logements de pauvres dans les quartiers de l’Alma, l’Epeule et les 3 Ponts — ce qui est démenti par les élus concernés — même si au fond, c’est peut-être une manière de lutter contre la ségréagation sociale). Ce jour, La Voix du Nord consacre un dossier sur les démolitions de Alma qui, jadis, a vu la naissance des luttes urbaines

On pense habiter un territoire, on habite dans une marque !

Ces fameuses classes moyennes et supérieures, les « sauveurs de Roubaix », que la ville peine à faire venir car il y a toujours un media, souvent à forte audience, qui nous rappelle les réalités roubaisiennes.

Mais alors… à quoi ça sert que Roubaix se décarcasse ?!

En publicité, on parle de « cible », c’est-à-dire aux gens définis par un pouvoir d’achat (catégorie socioéconomique, habitudes culturelles, âge, etc, bref ces fameux CSP +, surnommés aussi la bourgeoisie cool, directement définie des travaux d’un certain Florida) ; les objectifs de communication sont assez communément : soit séduire des entrepreneurs (pour qu’ils s’installent en créant de l’emploi — de préférence pour les locaux, mais ce n’est pas toujours le cas), soit des touristes (fortunés) ou des étudiants en études supérieures (dans le but qu’ils s’installent ensuite) soit communiquer à l’international de manière coordonnée (un marketing unique par territoire, idée qui avait germée depuis le Comité Grand Lille).

Et non : les campagnes de comm’ des territoires n’ont pas vocation à attirer les gens les plus pauvres.
Ce ne sont pas les 44% des ménages sous le seuil de pauvreté de Roubaix, ni les gens au chomâge, qui sont « ciblés » mais bien ceux qui ont les moyens d’une mobilité à l’autre bout de la France et l’opportunité d’aller s’y installer, les gagnants de la mondialisation en somme.

Et chez nous alors ?

Le CNER recense plus d’une centaine d’agences, sur des échelons régionaux, départementaux, métropolitains, et intercommunaux, qui présentent autant de marques de territoire et se définissent comme étant « une entreprise au service des entreprises ». Eh oui, on pense habiter des villes, on habite des marques !

Carte des marques – Blog Marketing Territorial

Pour Lille (et la métropole lilloise), c’est Hello Lille qui est l’agence locale. Au menu, pas de testimoniaux comme sur Only Lyon, mais une invitation à devenir Ambassadeurs (c’est un peu LA recette qu’on trouve sur chaque site d’agence). Il y a d’ailleurs un coté assez fascinant à consulter les sites d’agences et de marques de territoires : tous sont assez semblables, au fond, avec sa vidéo lifestyle en fond, vues ensoleillées photoshopées, ses onglets Ambassadeurs, son explication de marque et son menu défilant. Chacun se veut expert du meilleur endroit pour s’y installer. Par exemple : Isères Attractivité, Allier Boulonnais, Toulouse à Tout,

Et Roubaix dans tout ça ?

Eh bien, croyez-le ou non, aujourd’hui Roubaix veut se croire ville attractive à l’international, comme au temps des 30 glorieuses, loin des faits divers devenus clichés véhiculés par les medias. Pour cela, elle s’inscrit dans la stratégie métropolitaine, via Euratechnologies par exemple, ou divers forums pour y partager l’expérience roubaisienne, comme en témoigne la communication en anglais de notre Adjoint Alexandre GARCIN – ou postule comme Capitale de la Culture afin de se faire repérer dans le monde.

Rappelons qu’il y a une quinzaine d’années, Roubaix communiquait déjà, via son musée, par de l’affichage Decaux, sur les quais de Gare du Nord à Paris, en direction de ces cadres bohèmes, sans oublier les campagnes d’invitation presse plus récentes — comme le font aujourd’hui toutes les villes impliquées dans une telle stratégie. Bah, après tout, pourquoi les Lyonnais ne viendraient-ils pas chez nous, plutôt ?

A lire aussi : https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ESP_132_0075

Cela peut surprendre dans un contexte tendu d’insécurité, de dépôts d’ordure permanents, de tensions diverses ci et là, qu’on se préoccupe d’une dimension si éloignée des préoccupations quotidiennes des Habitants, et pourtant, l’avenir de Roubaix ne serait-il pas plus radieux avec l’arrivée de nouveaux habitants éduqués, diplômés, créatifs et riches ? (ironie)

A lire aussi : https://www.streetpress.com/sujet/1558520294-roubaix-silicon-valley-flandres-peine-integrer-habitants

En conclusion, on ne peut que grimacer de voir, sur nos terres, les campagnes marketing de la part de territoires parmi les plus riches de France, venant inciter nos classes moyennes et supérieures à quitter Roubaix, qu’on a eu tant de mal à faire venir, ce qui ruinerait tout un travail de reconquête de plus de 30 ans d’une stratégie d’attractivité roubaisiennes !

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